6 Janvier 2017
François Hollande vient de saborder sa candidature comme DSK l’avait fait au Sofitel de New York. La gauche se prépare à l’inexorable. En huit jours, tout a volé en éclats. Le matin du dimanche 9 octobre, Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ami sûr du Premier ministre et du président de la République, est l’invité du Grand Rendezvous sur Europe 1, les Échos et iTélé. Arrive la question : François Hollande pourrait-il renoncer à être candidat ? Urvoas prend cela comme une blague et répond drôlement : « Vous le voyez dire : je ne peux pas me présenter, j’ai piscine ? » Le mercredi 12, la publication des extraits du livre de Gérard Davet et de Fabrice Lhomme, Un président ne devrait pas dire ça, réduit en confettis la stratégie de campagne du chef de l’État futur candidat. Le lundi 17, l’éditorial du Monde (daté du 18) résume la situation : « Voilà un président de la République au fond du fond […] qui est en train de créer lui-même les conditions de son empêchement à se représenter. » Empêchement ! La perspective sort des scénarios les plus improbables pour entrer dans le champ des possibles. En anglais, impeachment, c’est le mécanisme qui conduisit Richard Nixon à la démission pour avoir fait clandestinement écouter ses adversaires du Parti démocrate. Ici, c’est le président qui se fait écouter lui-même, avec son plein consentement, par deux journalistes qu’il rencontre jusque chez eux, et pour entendre quoi ? Le fond de sa pensée, qui contredit tous ses propos publics sur tous les sujets, dans un sens ou dans l’autre, qu’il s’agisse des institutions, de son parti, de ses homologues, des femmes (les siennes), des joueurs de foot, de l’immigration ou de l’islam… Quand les couvertures de Valeurs actuelles dénonçaient en François Hollande un “menteur”, un “enfumeur” ou, l’autre semaine, un “magouilleur”, certains les qualifiaient de provocantes et d’excessives. Nous étions au-dessous de la vérité. Chez le président de la République, cela ressemble à un comportement de nature pathologique. Son biographe, celui qui le connaît intimement depuis des années, Serge Raffy, compare, dans un papier du site de l’Obs, ses actuelles confessions à un “Sofitel”, un Sofitel médiatique, par allusion à ce qui s’est passé pour Dominique Strauss-Kahn, le 14 mai 2011, au Sofitel de New York : « le sabordage d’une carrière avec délice », un « hara-kiri politique ». « Ce n’est plus le petit Machiavel de l’Élysée, dit Raffy, l’astucieux joueur de billard à dix bandes, François le compassionnel, […] mais le vrai Hollande, cruel, sans scrupule, sans état d’âme… » Quand François Mitterrand avait préparé sa candidature à sa réélection en 1987, Olivier Duhamel rappelle (dans son Histoire des présidentielles) qu’il avait toujours laissé planer le doute. Au publicitaire Jacques Séguéla, il disait : « Trouvez-moi une affiche même si je ne me présente pas. » C’était : “je ne suis pas candidat, sauf si…” Avec Hollande, à l’inverse, il dit à l’Obs, le jour de la parution de ses confessions : « Je suis prêt », oui mais : “sauf si”. Et depuis le 12 octobre, le “sauf si” l’emporte — dans cet enchaînement inexorable, où toutes les visites à Florange n’y changeront plus rien car le fait est démenti par la parole, qui conduit à l’irréversible. Le plus convaincu en est Emmanuel Macron, qui a calé son agenda sur les dernières étapes de la fin de François Hollande. Partout, la recomposition se prépare. Manuel Valls y travaille activement, sans troubler la loyauté publique qu’il affiche au chef de l’État afin de conserver intact l’appareil du parti, tout en prenant fermement ses distances : « Il faut que nos comportements soient dignes, dit-il, il faut de la pudeur, de la hauteur » (quelle condamnation !). Dans ce champ de bataille dévasté, les candidats de la droite ont su montrer de la dignité. La campagne promet de se jouer sur le contenu des projets, mais aussi sur la hauteur de celui qui les porte.